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Comment les agriculteurs se protègent du coronavirus?

Jean Mineur possède une soixantaine de vaches laitières de race Prim’Holstein, comme celle-ci. Adélys Olivier

La France tourne au ralenti, mais pas l’agriculture. Les exploitants français continuent de travailler, malgré l’épidémie de coronavirus. Gestes barrières, gels hydroalcoolique, masques… Avec les moyens du bord, les agriculteurs tentent d’appliquer les mesures de sécurité.

Les animaux ne se confinent pas. Pas plus que les légumes n’arrêtent de pousser. Le coronavirus a mis la France sur pause, mais pas le monde paysan. Pour les 448.500 agriculteurs français, le travail se poursuit normalement ou presque. S’ils n’en sont pas encore à mettre des masques aux vaches, comme le suggère le blog dédié à l’agriculture Will Agri, depuis fin février, les exploitants ont dû instaurer des mesures sanitaires.

« La santé avant tout », assène Pascal Beaujean. Avec son frère, il dirige le GAEC Le Mélinais, une entreprise maraîchère à proximité d’Angers (Maine-et-Loire). Dès le début de l’épidémie, ils ont rappelé à leurs employés les gestes barrières, à grand renfort d’affiches placardées dans les entrepôts et les salles communes. « Pour la distanciation, c’est plus facile pour nous, précise Pascal. Comme nous travaillons principalement dans les champs, il y a toujours quatre à cinq mètres entre les ouvriers. »

Des mesures de protection onéreuses

Les deux frères n’ont pas regardé à la dépense pour protéger la trentaine de salariés. « Nous avons mis à leur disposition des gels hydroalcooliques, nous venons de commander des visières de protection et nous cherchons des masques », énumère Pascal Beaujean. Jusque-là, les agriculteurs ne pouvaient pas commander de masques : ils étaient réservés aux personnels soignants.

« Ça fait beaucoup de frais, reconnaît le maraîcher. Surtout qu’on a aussi dû acheter un véhicule supplémentaire. » Le transport des ouvriers de l’entrepôt aux champs est en effet assuré par l’entreprise. « On a des véhicules pour neuf personnes, mais on ne monte qu’à quatre dedans », explique Pascal Beaujean.

Nettoyer et désinfecter chaque jour

Le GAEC le Mélinais a réorganisé tous ses plannings. « On fait travailler nos équipes de sept à huit personnes à différents horaires, détaille Pascal Beaujean, pour qu’elles ne se croisent pas. » Pareil au réfectoire, où les équipes passent chacune leur tour. Les tracteurs sont également utilisés à tour de rôle. « Il y a du gel et des lingettes dans chaque tracteur, développe l’exploitant. Chacun doit le nettoyer après et avant utilisation. » De même chaque journée commence par une désinfection des palettes, des chariots, et de toutes les parties communes. « C’est contraignant, mais nécessaire, affirme Pascal Beaujean. Et pour le moment nous n’avons pas eu de cas, alors on va continuer comme ça. »

Une des affiches sur les mesures sanitaires au travail, placardée par Pascal Beaujean au GAEC Le Mélinais. Source préventionBTP

Dans les Ardennes, au GAEC du Château, « c’est chacun son tracteur », rit Jean Mineur. La vie à la ferme est devenue plus organisée depuis le début du coronavirus. L’exploitant travaille avec sa femme, Christelle et un ouvrier, Francis, à mi-temps. « On ne monte plus ensemble dans les tracteurs, explique l’éleveur. Et si on doit échanger de véhicule, on attend trois heures avant d’entrer dans la cabine. »

A chaque exploitation ses mesures de protection

Les trois heures sont une consigne du médecin généraliste. Début avril, Christelle a dû se mettre en quarantaine après avoir manifesté quelques symptômes du covid-19. Mais impossible de se passer entièrement d’elle à la ferme, ni d’embaucher un autre ouvrier, faute de finances. L’éleveuse a donc continué de traire les soixante vaches laitières pendant sa quarantaine. « Personne ne devait rentrer dans la salle de traite après elle, pendant trois heures », rapporte Jean Mineur.

Pour éviter la contamination, les trois agriculteurs portent depuis des masques en tissu, réalisés par la sœur de Jean, ainsi que des gants de travail. « Nous n’avons pas reçu de consignes particulières, reconnaît l’exploitant, sauf de la laiterie, concernant la collecte du lait dans le tank. » Les différentes chambres d’agriculture régionales n’ont pas émis de directives sanitaires à destination des agriculteurs. Une cellule de crise a vu le jour pour répondre aux questions économiques. Les instances régionales ont laissé à chaque exploitation le soin de gérer la situation sanitaire. Pour le moment, ni distribution de masques, ni indemnisation des frais engrangés n’ont été annoncés par les chambres d’agriculture.

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