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Se nourrir

Pourquoi se tourne-t-on vers les aliments réconfortants pendant le confinement?

Pendant le confinement, les Français se sont tournés massivement vers la pâtisserie. shixart1985 / Flickr

Avec la crise sanitaire, les Français cherchent à se consoler à travers la nourriture. Ils achètent et confectionnent des aliments réconfortants, comme les gâteaux par exemple. Une tendance qui s’explique à la fois par la psychologie… et la chimie.

Files d’attente devant les drives de chaînes de fast-food, explosion de la vente de produits surgelés, confection de gâteaux…. Le confinement rime souvent avec une consommation plus importante d’aliments réconfortants, appelés aussi « aliments doudou », comme les paquets de chips ou tablettes de chocolat. Un phénomène lié directement à la situation sanitaire actuelle. Selon les pays, ces « aliments doudou » peuvent prendre différentes formes : des célèbres soupes en conserve aux États-Unis en passant par les baked beans et crumpets en Grande-Bretagne. « Ces achats correspondent au fait que les gens ont envie de se faire plaisir. Quand on est anxieux, on veut bien manger, ce qui peut passer par des aliments un peu plus sucrés et réconfortants », explique Pascale Hébel, directrice du pôle consommation et entreprise du Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CRÉDOC).

Mais les Français mettent aussi la main à la pâte. Dans les rayons de supermarchés, les ingrédients nécessaires pour la pâtisserie, comme la farine, les œufs, la levure ou encore le sucre, sont devenus plus rares. Le panéliste de la grande distribution Iri indique dans une étude que les achats de levure et de sucre ont augmenté de 159 % pendant entre le 16 mars et le 3 mai. Pour la farine, la hausse est de 140 % sur cette même période. Selon Pascale Hébel, un outil de cuisine a également connu un grand succès depuis le début du confinement : le plat à tarte.

Un comportement typique en période de crise

La consommation de ces aliments réconfortants correspond à celle de périodes de crise. « Une période anxieuse, ça pousse à la consommation de produits plaisir. C’est ce qu’on avait pu observer aussi pendant la crise de 2008. Manger ces produits procure un plaisir facile, c’est une façon d’aller mieux », explique Pascale Hébel.

« Chaque crise, quelle qu’elle soit, va créer chez les individus de nombreuses peurs et angoisses. Ces angoisses vont alors avoir des impacts sur les comportements », confirme la psychologue Stéphanie Chambaron. Elle date également à 2008 l’apparition du terme comfort food (« nourriture réconfortante » en français). La chercheuse au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation à l’INRAE de Dijon raconte que c’est lors de cette récession que les food trucks ont commencé à connaître du succès aux États-Unis. « Ils ont eu l’idée de remonter le moral des gens en leur proposant du comfort food, c’est-à-dire des plats simples et gourmands. Cela pourrait les réconforter, ou même les ramener à des souvenirs heureux. »

Un phénomène chimique

L’attirance pour ces aliments trouve aussi une explication de nature chimique. Consommer du gras, du sucré ou encore du salé stimule différentes parties du cerveau. « Notre cerveau réagit alors en libérant un neurotransmetteur : la dopamine. La dopamine procure une sensation de plaisir bénéfique au développement des facultés physiques et psychiques de l’individu », détaille Stéphanie Chambaron. Cet ensemble de connections nerveuses est appelé le circuit de la récompense.

Mais le système doit être équilibré : le corps ne peut pas juste se nourrir avec du comfort food. Cet équilibre peut être difficile à trouver dans une période propice à la perte de repères. «  Le problème avec le sentiment de confinement, c’est qu’il brouille les signaux. Les individus ont donc plus tendance à aller vers des aliments réconfortants », remarque la chercheuse. Elle préconise d’éviter de grignoter ces aliments machinalement, afin de pouvoir être réceptif aux sensations de faim et de satiété.

Se réconforter ensemble

La consommation de comfort food va-t-elle baisser avec la fin du confinement ? Pour Pascale Hébel, le plébiscite de ces produits est loin d’être terminé : « La crise va se prolonger et les Français vont vouloir continuer à se réconforter. » Elle remarque que 46 % de Français ont déclaré grignoter plus qu’avant. Stéphanie Chambaron, elle, pense que la fin du confinement donnera lieu à des moments conviviaux avec ces aliments : « Ce sera l’occasion de les remettre autour de la table pour les partager ensemble. »

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