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Les fromages AOP dans la crise: à boire et à manger

Les AOP d’Auvergne sont particulièrement touchés, à l’image du Saint-nectaire. La boutique de Mémée

Comté, camembert, sainte-maure-de-Touraine : les fromages résistent plus ou moins bien à la crise. Certains sont en difficulté, d’autres tirent leur épingle du jeu. Petit tour de France de la filière.

C’est une appellation qui fait la renommée du savoir-faire français, du bocage normand aux montagnes auvergnates, en passant par la Touraine. AOP, pour Appellation d’origine protégée : un label européen visant à protéger les producteurs dont les étapes de fabrication respectent un cahier des charges précis. Depuis le début de la crise, les commandes de fromages AOP ont baissé de « 25 à 80% » selon Sodiaal, la première coopérative laitière en France.

D’une région à l’autre, les situations sont très différentes. En Auvergne, les quelque 200 producteurs de saint-nectaire, cantal ou salers sont fortement touchés : les ventes ont baissé de 50 à 60% en moyenne. Un coup dur pour une filière importante, qui tente de s’adapter.

Appel à « l’esprit auvergnat »

« J’ai réduit ma production, en attendant des jours meilleurs. » Comme Martine Mazeyrat, productrice de saint-nectaire à Saint-Pierre-Colamine, dans le Puy-de-Dôme, de nombreux producteurs ont ralenti leur rythme de production. En cause, une baisse de la demande, alors que la saison est normalement consacrée à la fabrication.

Fermeture des marchés et baisse de la consommation dégradent l’activité. Et font craindre des séquelles durables pour les petits producteurs. Dans les colonnes du quotidien La Montagne, Michel Lacoste, producteur de lait dans le Cantal et président du Conseil national des appellations d’origine laitières (CNAOL), en appelle à « l’esprit auvergnat ».

Un accord a été trouvé, le 15 avril dernier, entre Sodiaal et la filière regroupant les cinq fromages AOP d’Auvergne (bleu d’Auvergne, cantal, fourme d’Ambert, saint-nectaire et salers). Avec le soutien de la région Auvergne-Rhône-Alpes, la coopérative s’engage à racheter le surplus de lait des producteurs.

« Il faut un sursaut de la population au niveau régional. Dans cette période de confinement, les gens ne peuvent pas manger que des pâtes, à moins de mettre du cantal dedans. »

Michel Lacoste, président du Conseil national des appelations d’origine laitières (CNAOL)

Des producteurs dans le flou

En Normandie, la situation est légèrement meilleure. « La boutique est fermée donc les ventes sont arrêtées, indique-t-on à la fromagerie Durand, dans le village de Camembert. Mais on a la chance de travailler avec des grossistes, donc nous n’avons pas de grosses difficultés depuis le début du confinement. »

« J’ai eu deux semaines difficiles au départ, reconnaît Henri Barbot, producteur de fromage à Survie, dans l’Orne, à une dizaine de kilomètres de Camembert. Il a fallu modifier nos habitudes. Je ne fais plus qu’un marché sur deux, l’autre n’est pas ouvert. Je livre aussi les petites épiceries du coin, qui elles vendent plutôt bien. » Lui arrive à écouler ses stocks, mais ce n’est pas le cas de tous les producteurs. « On ne sait pas trop où on va, confie le producteur au téléphone. Les foires du mois d’avril ont été annulées. C’était l’équivalent de 500 fromages invendus pour chaque foire. »
Le sénateur de la Manche Jean Bizet (Les Républicains) a alerté le ministre de l’Agriculture sur la situation : l’élu local demande « un système d’indemnisation prenant en compte les pertes spécifiques de la filière AOP fromagères normandes. »

Coup de frein pour le comté

En Bourgogne, la situation est plus compliquée. Dans le Jura, la fruitière de Largillay a connu un début de crise difficile : « Sur le mois de mars, ont était à 50% de notre chiffre d’affaires habituel », explique Fabienne Millot. La coopérative regroupe une douzaine de fermes, autour du lac de Vouglans. « Heureusement que l’on fait de l’expédition : ça cartonne », se réjouit Fabienne Millot.

Le comité interprofessionnel de gestion du comté (CIGC) a décidé début avril de réduire de 8% sa production. Objectif : éviter que les stocks s’entassent dans les caves d’affinage. Et que les producteurs soient contraints de jeter leurs produits, faute de demande de la part des consommateurs. « Chaque producteur de la coopérative fait en sorte de baisser sa production », détaille Fabienne Millot.

En Touraine, le saint-maure résiste

« Les dix premiers jours du confinement ont été très compliqués pour la filière, explique Céline Gourinel, présidente du Comité interprofessionnel des producteurs de sainte-maure de Touraine. La situation s’est vite améliorée. Les marchés ont rouverts très vite. Et les producteurs se sont rapidement adaptés. »

Les ventes directes à la ferme ont augmenté, et plusieurs fromagers ont mis en place un service de drive ou de livraison à domicile. En Indre-et-Loire, l’appellation sainte-maure regroupe 160 producteurs (fermiers et laitiers) et une petite dizaine d’entreprises de transformation. Un retour à la normale qui soulage les producteurs tourangeaux. Et qu’attend avec impatience l’ensemble de la filière fromagère AOP.

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