Dans les entreprises où les cantines collectives sont encore ouvertes, des mesures strictes sont appliquées pour les pauses déjeuner. DR
Certains salariés ont continué à travailler en présentiel malgré l’annonce du confinement en France, d’autres reprennent ce lundi 11 mai. Pour assurer leur pause déjeuner, c’est souvent le casse-tête.
Restaurants fermés, cantines d’entreprises qui fonctionnent au ralenti, espaces communs à réaménager… Lundi 11 mai, la reprise pour certains employés risque de causer des nœuds au cerveau quant à l’organisation des pauses déjeuner. Pauline Gambade, arrêtée jusqu’au 11 mai, avoue « être dans le flou » concernant les mesures envisagées par son entreprise. « La salle de pause dans laquelle nous mangeons peut accueillir maximum cinq personnes et encore… on se marche dessus », confie cette vendeuse d’un magasin de chaussures à Paris.
Gamelles ou repas à la maison
Difficile d’imaginer respecter les gestes barrières dans de telles conditions. Et ce n’est pas comme si des dizaines de restaurants proposaient leurs menus à l’extérieur. Ces derniers ne sont pas près de rouvrir. « J’espère que certains commerces pourront quand même assurer des commandes sur place », soupire la jeune fille de 22 ans. Rentrer chez elle n’est pas une alternative non plus. « Avec une heure de pause déjeuner et 25 minutes porte à porte pour rentrer, c’est impossible. » Il va lui falloir anticiper. « Préparer sa gamelle ou des salades » quotidiennement. Pour le lieu, « on verra, on peut manger sur des bancs dehors mais je ne suis pas sûre que ce soit recommandé », sourit-t-elle.
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Selon Pauline Gambade, son entreprise pourrait envisager de lui aménager ses 25 heures hebdomadaires pour n’en réaliser que vingt et lui permettre de manger avant ou après ses horaires de travail. D’ailleurs, dans l’entreprise de Marc*, le planning a été complètement transformé pour faire en sorte que les pauses midi… n’existent plus.
Impossible de se nourrir sur place dans ce grand groupe de la construction aéronautique, la cantine d’entreprise a fermé. Avec des journées de 7h à 13h ou bien de 14h à 17h sur site, c’est chez lui que Marc casse la croûte chaque midi. « C’est une nouveauté de ne plus mettre les pieds sous la table à la cantine, mais finalement je trouve la situation confortable. » Cinq minutes en voiture et il rejoint sa cuisine chaque jour. Il avoue que d’autres employés n’ont pas cette chance et doivent « manger en catimini sur le site ».
Des selfs d’entreprises reconfigurés
En réalité, Marc n’a jamais quitté son poste en présentiel depuis le début du confinement. Responsable du service de réception, sa présence est indispensable pour accueillir les transporteurs de l’entreprise. Avant que la cantine ne ferme, il a vu différentes étapes se succéder. Début avril, il était encore envisageable d’aller se nourrir au self, du moins en laissant vide une place sur deux sur les tables. La cuisine avait fermé et les rapides pauses déjeuners se constituaient de « pique-niques » prédisposés sur des plateaux par les prestataires du groupe de restauration de l’entreprise.
Ces conditions particulières, Amélie Tessier, alternante chargée de mission en ressources humaines chez Mondelez à Nantes, les vit quotidiennement chaque fois qu’elle revient dans ses locaux. Elle alterne périodes de télétravail et présence à son poste. Sur ce site industriel de 300 personnes où les opérateurs doivent être présents pour assurer la poursuite de la production, difficile de contraindre cette main-d’œuvre à se débrouiller chaque midi pour s’alimenter.
Leur cuisinier prestataire n’a donc jamais déserté depuis le début du confinement. Mais les mesures sont particulières. Tables organisées en quinconce et séparées par des scotchs, impossibilité de toucher les couverts ou les salières, plateaux préparés en amont par le chef et obligation de nettoyer soi-même sa table une fois le déjeuner fini… Bien que strictes, ce sont « de bonnes mesures, certifie Amélie Tessier, on se sent vraiment en sécurité. »
Cas par cas et innovation côté prestataires
Les leaders de la restauration collective pâtissent au quotidien du casse-tête que représente l’organisation ou non des repas dans des entreprises aux règles bien distinctes selon la taille, l’activité ou les effectifs présents. Chez le spécialiste de la restauration d’entreprise Sodexo, la chargée du service presse avoue que l’entreprise « apprend en marchant », avec un fonctionnement « au cas par cas ». Le groupe concurrent Elior a de son côté développé l’offre « click and collect » afin que des salariés consomment les menus proposés directement à leur poste de travail.
Le déconfinement est l’occasion pour d’autres prestataires de faire connaître leur initiative. Chez Foodles, on propose aux entreprises l’aménagement d’une cantine dématérialisée dans leurs espaces communs. Plus de service, donc, mais des frigos connectés approvisionnés chaque matin pour assurer le casse-croûte quotidien.
« Beaucoup d’entreprises nous contactent depuis le début de la crise, ça montre la force de notre modèle », se réjouit Thaïs de Gestas, responsable marketing de la start-up qui propose depuis une nouvelle offre baptisée « la cantine compatible covid ». L’aménagement se fait dorénavant dans le respect des mesures barrières recommandées par le gouvernement : marquage au sol, distanciation sociale sur les tables, équipements de protection… Et le bonus : une application qui avertit les employés quand ils peuvent aller manger pour éviter des flux intenses. Des grands groupes comme de petites start-up ont déjà adopté l’initiative. De quoi trouver des solutions pour certains salariés français. En attendant, d’importantes inégalités persistent concernant ceux dont les entreprises n’ont pas encore mis en place de démarches concrètes de protection.
*Le prénom a été modifié