Les plats réunionnais sont généralement concoctés dans ces marmites créoles. Miwok
Comme le reste de la France, les habitants de la Réunion ont été confinés chez eux. De retour auprès de ma famille pour une durée indéterminée, c’est l’occasion pour moi de retrouver les saveurs de la cuisine locale et de les partager avec vous.
La Réunion est une île qui compte de multiples communautés. A Saint-Denis, où j’habite, il suffit de marcher dans la rue pour entendre les cloches des églises pour les catholiques et l’appel à la prière pour les musulmans. La cuisine réunionnaise est réputée pour son abondance et sa diversité. Elle reflète dans une même assiette la mixité des différentes cultures qui compose l’île : indienne, africaine, asiatique et européenne.
Les plats créoles ne se mangent pas en solitaire. C’est l’occasion de se retrouver en famille ou entre amis pour faire la fête sur la plage ou à la kaz (« la maison » en créole). Voici dix spécialités traditionnelles qui vous donneront envie de voyager et de goûter à la cuisine sous nos cloches.
Les hors-d’oeuvres faits maison
Pendant l’apéritif, les Réunionnais remplacent les gâteaux et les chips par différents hors-d’oeuvres faits maison.
Le samoussa, originaire du Moyen-Orient, est un beignet triangulaire que l’on peut fourrer de fromage, de viande, de poisson ou de légumes. Certains Réunionnais ont créé leur entreprise sur la seule vente de samoussas, tant le produit est consommé sur l’ensemble de la journée par la population.
Le bouchon, originaire de Chine, est une bouchée de viande entourée d’une pâte de riz. On en mange souvent avec de la sauce soja.
Le bonbon piment, originaire des pays arabes, est apprécié pour son fondant épicé. Réalisé à base de pois secs, il faut y ajouter du gingembre, de l’oignon vert et du curcuma.
Le achard de légumes
A l’apéritif ou en accompagnement de plat, cette salade de crudités d’origine indienne reste un classique à La Réunion. Apprécié pour sa fraîcheur, le achard est très simple à préparer.
Il s’agit d’un mélange de légumes taillés en lamelle et finement assaisonnés avec du gingembre, du curcuma, de l’ail, des oignons et du piment. On peut en préparer en grande quantité, le achard se mange froid et se conserve pendant plusieurs jours.
Le cari
C’est LE plat traditionnel de La Réunion. Porc, boeuf, cabri, poulet, oeuf, poisson, crustacé, légumes… Tout est possible tant que vous conservez les deux aliments de base : le riz et les grains (nom créole qui désigne à la fois les lentilles, les pois du Cap ou les flageolets). Sa simplicité et sa multitude d’épices en font un plat aux millions de possibilités.
Le cari bichiques est le plus prisé à La Réunion. Les bichiques sont des alevins pêchés à l’embouchure des rivières au cours de certaines périodes de l’année. On le compare souvent au caviar, car c’est un produit rare et par conséquent très cher.
Attention : lors du service, il existe un petit rituel que tout le monde pratique sans en connaître l’origine historique. Le riz doit être disposé dans l’assiette avant d’ajouter les grains par-dessus. Le reste du plat est présenté dans un plat à part. Même en pique-nique avec des amis, on a toujours procédé ainsi.
Le shop suey
Le 20 décembre 1848, l’esclavage est aboli à La Réunion. Au même moment, la Chine vit un contexte économique difficile, lié à une forte pauvreté, et ses habitants quittent peu à peu le pays pour s’installer dans les îles de l’océan Indien. Les premiers migrants asiatiques sont recrutés à La Réunion pour travailler dans les plantations de canne à sucre. Selon l’historien Prosper Eve, on comptabilise 1.000 arrivées en 1871.
Lorsque les premiers travailleurs chinois s’installent, ils apportent avec eux la recette du shop suey. Les Réunionnais ont remplacé les nouilles par le riz et ce plat est aujourd’hui consommé par l’ensemble de la population. Il se compose principalement de légumes (courgettes, brocolis, carottes, céleri) et se décline selon la viande choisie. On peut donc trouver dans les commerces des shop suey poulet, porc ou poisson. La variante chinoise avec des nouilles cuites en friture s’appelle le chow mein.
Le rougail saucisses
Avec le cari, c’est l’autre grande spécialité culinaire de La Réunion. Ce plat est originaire d’Inde et le terme rougail vient de l’hindi « ouroukaille ». Agrémenté de saucisses créoles fumées, le rougail se compose de tomates coupées, de gingembre et d’oignons. Sa cuisson est plus longue que le cari, car c’est un plat mijoté.
Selon l’historienne Michèle Marimoutou-Oberlé, la présence indienne remonte aux origines du peuplement de l’île au XVIIe siècle. Comme pour les migrants chinois, c’est pourtant au XIXe siècle qu’on dénombre un afflux important de travailleurs indiens.
Contrairement à l’île Maurice qui distingue les communautés religieuses hindoue et tamoule, les Réunionnais préfèrent éviter les différenciations ethniques en appelant les descendants indiens « malbar » et « malbaraise » (au féminin). Du français « malabar », ce terme désignait les habitants de la côte de Malabar en Inde.
Fun fact : Charles Baudelaire rend hommage à cette communauté dans son poème « A une Malbaraise ».
Le boucané ti jaque
On ne peut visiter La Réunion sans avoir goûté cette recette. Le jaque est le fruit du jaquier. Sur l’île, il est consommé avant sa complète maturité. Il doit être épluché, coupé finement et enfin cuit comme un légume pour être comestible.
Pour déguster ce fruit, les Réunionnais y ajoutent du boucané, un morceau de côte de porc fumé au feu de bois. Sa particularité est d’être coupé en parts très fines (entre deux et trois centimètres selon les cuisiniers) et bouilli trois fois.
Le chouchou à toutes les sauces
Le chouchou est un cucurbitacée à la chair blanche et ferme qui rappelle le goût de la courgette. Farci, en gratin, en soupe ou en salade, le chouchou est cuisiné de toutes les manières. Même si c’est un légume bon marché, les Réunionnais ne gâchent aucun de ses composants tant les recettes sont multiples. Ses tiges, appelées brèdes, sont découpées et cuisinées comme des épinards tandis que le tubercule est frit. Servi comme accompagnement, le gratin de chouchou permet d’adoucir un plat épicé.
Un « Yab chouchou » est aussi le surnom donné (sans connotation péjorative) à un Créole blanc qui vit dans les montagnes, appelées plus communément les hauts.
La salade de palmiste
Le palmiste est le bourgeon du palmier. Crue et émincée finement, sa chair blanche et croquante s’accommode en salade et possède un goût très fin aux saveurs de noisette.
La partie plus charnue du palmiste est réservée pour la confection de caris. Pour l’extraire, on doit couper l’arbre, ce qui en fait un produit cher et recherché. Attention : lors de sa préparation, il s’oxyde vite au contact de l’air.
Le gâteau patate
Si la pomme de terre n’est pas le féculent le plus consommé à La Réunion, la patate douce en revanche est très prisée pour sa chair légèrement sucrée. Le gâteau patate est plutôt servi au goûter qu’en dessert. Apprécié pour son moelleux et sa douceur, il remplit très rapidement l’estomac.
La recette se compose de sucre, d’oeufs, de vanille, de beurre, de rhum et… de patates douces comme son nom l’indique. Simple à réaliser, il plaît tout aussi bien aux enfants qu’aux sportifs, car sa composition permet de reprendre des forces.
Le macatia
Cette petite brioche sucrée représente l’identité de La Réunion. Nature ou nappée de pépites de chocolat, on peut comparer sa popularité à celle du pain au chocolat en métropole. Le macatia est vendu dans toutes les boulangeries et dans la plupart des supermarchés. Les Réunionnais en consomment au petit déjeuner et/ou au goûter.
Selon l’historien réunionnais Prosper Eve, les colons se débarrassaient de la pâte confectionnée la veille en la distribuant aux esclaves. Il suffisait d’y rajouter du sucre et c’est ainsi que le macatia est né. L’esclavage est un sujet très sensible à La Réunion – on fête tous les 20 décembre l’abolition de l’esclavage par exemple – c’est pourquoi le macatia fait partie de l’identité de l’île.
Si vous avez l’occasion de déguster l’un de ces plats, n’oubliez pas de les agrémenter avec nos autres spécialités locales : le rougail (un accompagnement à base de piment) et surtout un rhum arrangé pour la digestion. Pour les moins convaincus, voici un conseil en créole : « pa kapab’ lé mor san éséyé » (« Tu ne peux pas mourir sans avoir essayé »).