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L’industrie de la viande connaît une nouvelle fois la crise

L’industrie de la viande emploie près de 58.000 salariés en Bretagne / Freephotos.cc

Première région française pour la production et la transformation de viande, la Bretagne subit les conséquences de la crise sanitaire. Une énième secousse pour un secteur déjà fragilisé.

Steaks hachés, cuisses de poulet, escalopes de dinde… Dans les premiers jours du confinement, les rayons des hypermarchés étaient bien vides. Le risque de pénurie planait. La grande distribution tentait de rassurer les consommateurs. Et l’industrie agroalimentaire adaptait son rythme de production. Après deux mois d’activité économique bouleversée, l’heure est au bilan pour le secteur.

« On va mettre du temps avant de s’en remettre », concède un industriel rennais. Son entreprise produit des plats de bœuf et de veau, à destination principalement de la restauration. «On a été fortement touchés. Pour l’entrecôte ou les filets de bœufs, nous n’avons plus de clients. » Problème commun aux industriels du secteur, les morceaux dits « nobles » ne se vendent plus. D’abord parce que les restaurants sont fermés. Ensuite parce que les consommateurs se replient sur le steak haché, moins cher : les ventes ont augmenté de 35% ces dernières semaines, et jusqu’à 55% pour les steaks surgelés, selon le ministère de l’Agriculture. 

Un impact plus grand sur les entreprises non diversifiées

« Les difficultés du secteur dépendent des profils des groupes », explique ce même chef d’entreprise. Entendre : les entreprises les moins diversifiées, travaillant uniquement avec la restauration par exemple, ont vu leur chiffre d’affaires réduire considérablement.

Dans le Morbihan, l’entreprise La Trinitaise résiste à la crise. « Nous avons une clientèle équilibrée, entre les grossistes, les grandes et moyennes surfaces, et la restauration hors domicile, explique Ludovic Camaret, le directeur commercial du groupe. Les produits élaborés se vendent moins bien, et l’export est à l’arrêt. Mais la baisse d’activité a été compensée par les marchés où les ventes ont continué. »

Moins de viande dans les assiettes

La crise due à l’épidémie frappe un secteur déjà fragilisé. La consommation de viande a tendance à baisser depuis une dizaine d’années, de 12% selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) publiée en 2018.

En cause : les scandales sanitaires de ces dernières décennies, comme la vache folle, la grippe aviaire ou l’affaire Spanghero [affaire dite de la viande de cheval]. Mais aussi les considérations environnementales et sanitaires, davantage prises en compte dans la consommation de viande. « On en a vu des crises dans la viande, mais celle-là est inédite », lâche un professionnel du secteur.

Bigard et la Cooperl dans le vert

Pour les gros groupes, plus flexibles et surtout plus diversifiés, la crise est moins douloureuse. A l’image de Bigard et de la Cooperl, deux géants de l’agroalimentaire. Aucun des deux groupes n’a souhaité communiquer. Selon un industriel breton, « le marché du porc [secteur d’activité de la Cooperl, Ndlr], se porte très bien. »

Implantée en Chine depuis 2011, la Cooperl, une coopérative d’éleveurs de porc qui compte 4.300 salariés en Bretagne, a pu « anticiper les mesures à prendre », expliquait Thierry Du Teilleul, le directeur marketing, dans un entretien à l’hebdomadaire professionnel Libre service actualités (LSA). Même réactivité chez Bigard, pour qui l’explosion de la consommation de steak haché profite indéniablement. « La politique du groupe, c’est de ne pas communiquer », balaye t-on pourtant au siège, à Quimperlé, dans le Finistère.

« On a du mal à s’imaginer demain », admet l’industriel rennais. Pour lui, comme pour les entreprises bretonnes durement touchées par la crise, l’avenir est incertain. Une crise qui s’ajoute à des difficultés anciennes, et qui obligera le secteur à se réinventer.

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1 comment

Poul Gouguin 21 mai 2020 at 10 h 15 min

Si seulement cette industrie pouvait disparaître!
De la souffrance à tout les étages, de l’animal condamné à une courte vie de souffrance, à l’éleveur criblé de dettes, à l’ouvrier d’abattoir souffrant de stress post traumatique, pour finir dans les artères du consommateur!
Tout ça pour engraisser les bigards et compagnie, et satisfaire nos papilles pendant 5 minutes…

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