Comme la préparation du levain prend entre huit et neuf jours, Hugo et Luce ont une recette plus simple. Crédits photo : Thomas Bock/Pixabay.
Pendant le confinement, nombre de Français ont joué les apprentis boulangers, comme en témoignent les multiples pains maisons postés sur les réseaux sociaux. Une tendance confirmée par la hausse de 229 % des ventes de farines en supermarché, selon Nielsen. Déconfinés mais pas encore de retour à l’école, deux enfants ont testé pour vous l’indispensable ingrédient d’un bon pain : le levain naturel.
Après deux mois de confinement chez eux à Montpellier, Hugo, 12 ans, et Luce, 8 ans, sont à court d’imagination pour s’occuper avant le retour à l’école, courant mai. En fouillant sur Instagram, Hugo a découvert le chef Julien Duboué et son tutoriel simple : faire du levain naturel.
Élément de base de la panification, « le levain est un ferment naturel vivant obtenu par la culture de levures sauvages et de bactéries, à partir d’un mélange d’eau chaude et de farine », décrit Rodolphe Landemaine dans Le Grand Manuel du boulanger (éditions Marabout). Dit comme ça, cela peut faire peur mais c’est comme pour le fromage : ce sont de bonnes bactéries.
Jour 1 : La naissance
Si la recette classique ne requiert que de l’eau et de la farine en quantités égales, Hugo et Luce choisissent la facilité grâce à l’astuce du chef Julien Duboué : ajouter une demi-cuillère à café de levure chimique. Un moyen d’accélérer la confection du levain, qui, sinon, prendrait entre huit et neuf jours. Après avoir mélangé les trois ingrédients dans un bocal, les apprentis chefs le recouvrent d’un couvercle percé et laissent reposer au sec le levain toute la nuit. Suivant le tutoriel à la lettre, ils ne ratent aucune étape, surtout pas celle du baptême : Sylvain le levain – notez la rime subtile.
Jour 2 : Sylvain bulle
Au matin, la magie fait son effet : Sylvain a doublé de volume et des bulles s’échappent du bocal. C’est le début de la fermentation. « Les levures sauvages et les micro-organismes présents naturellement dans ce mélange mangent les sucres de la farine, provoquant la fermentation », détaille Rodolphe Landemaine dans Le Grand Manuel du boulanger. Cette fermentation donne au pain une mie alvéolée, un goût rustique et une croûte épaisse. Elle permet aussi de le conserver plus longtemps et ne causerait pas de désagréments aux personnes intolérantes au gluten. Mais malades cœliaques s’abstenir.
Hugo et Luce déplacent alors Sylvain dans un contenant plus grand. Fidèles au tutoriel, ils utilisent un contenant plastique orphelin de son couvercle et nourrissent Sylvain d’eau et de farine en quantité égale. Le levain reprend sa place sur le plan de travail de la cuisine, au chaud sous un torchon.
Jour 3 : « Ça sent le putois »
Rodolphe Landemaine indique qu’il faut répéter l’opération toutes les 36 heures pendant quatre jours. Le chef Julien Duboué opte pour deux jours. Malheureusement pour Sylvain, les petits boulangers ne sont pas si assidus. Pourtant, chaque soir, Hugo prend bien soin d’arroser les plantes. À croire que les devoirs et la Nintendo Switch ont fait passer le levain au second plan. Sylvain passe donc une première journée privé de nourriture. Le lendemain, il dégage une forte odeur, « de vomi », précise Luce, qui l’expédie illico sur le rebord de la fenêtre, encore une fois sans lui donner à manger.
Si la patience n’a jamais été le fort des enfants, s’occuper davantage de Sylvain leur serait pourtant bénéfique. « Prendre soin du levain au quotidien peut être éducatif, explique Priscilla Faure, psychologue clinicienne. Faire son propre pain est un moyen de revenir aux valeurs essentielles. » Selon elle, « cuisiner et manger sainement est une façon de lutter contre l’angoisse de la maladie. Et d’exercer un contrôle sur la situation actuelle ».
Laissé à l’abandon, Sylvain s’est divisé en deux parties avec de l’eau en surface. Rien de grave selon un blog de cuisine, qui conseille de le mélanger. Si ce n’est que Sylvain sent de plus en plus mauvais. Alors qu’il devrait dégager une odeur « à peine acidulée, un peu fruitée, comme du yaourt », selon le blog foodie, Sylvain sent « le putois », selon Hugo, « les égouts », selon Luce. Les explications du blog sont sans appel : « C’est le signe que les mauvaises bactéries se sont multipliées ». Aucune autre solution que de le jeter à la poubelle. Un sacrifice que ne regrettent pas Hugo et Luce, qui craignaient une visite des voisins à cause de l’odeur.
Sylvain aura eu une courte vie. S’il avait survécu, Hugo et Luce auraient pu s’en servir pour préparer du pain ou une belle pâte à pizza. Ils auraient du attendre que le levain, nourri quotidiennement bien sûr, devienne élastique, avant de l’incorporer à la pâte à pain.
Adieu Sylvain, vive le prochain. Ne reste plus qu’à lui trouver un prénom !